Flashback: Demis Hassabis 2016

VON Dr. Wolf SiegertZUM Donnerstag Letzte Bearbeitung: 31. März 2018 um 12 Uhr 00 Minuten

 

Heute wurde von LES ECHOS mitgeteilt, dass dieser nachfolgend zitierte Text von Jun Michael Park vom 9. März 2016 über "Demis Hassabis, le maître du jeu de Google" nunmehr im Netz öffentlich zugänglich sei. Er wurde noch vor dem Sieg der KI gegen den go-Champion aus Südkorea: Lee Se-dol geschrieben, ein Grund mehr, ihn gerade deshalb hier nochmals zur Darstellung zu bringen, allerdings ohne das Foto von Benoît Georges.

Champion d’échecs à treize ans, développeur de jeux vidéo à dix-sept, le patron de Google DeepMind est l’étoile montante de l’intelligence artificielle. Son logiciel AlphaGo affronte à partir d’aujourd’hui le plus grand champion de jeu de go au monde.

Demis Hassabis a joué des milliers de parties dans sa vie. Jeune prodige des échecs, cet homme à l’air timide né à Londres en 1976 fut notamment numéro deux mondial des moins de quatorze ans. A la fin des années 1990, il est devenu un champion de Pentamind, discipline associant cinq jeux différents (échecs, go, scrabble, poker et backgammon), dont il a remporté cinq fois le titre mondial - un record jamais égalé. Mais le match qui débute ce mercredi dans un grand hôtel de Séoul est peut-être le plus important de sa brillante carrière. Cette fois, Demis Hassabis ne sera pas assis à la table de jeu : c’est AlphaGo, un programme d’intelligence artificielle développé par son entreprise, DeepMind, qui affrontera pendant une semaine le plus grand joueur de go au monde, le Sud-Coréen Lee Se-dol. A la veille du premier match (il y en aura cinq jusqu’à mardi prochain), le Britannique ne cherche pas à cacher son excitation. « C’est assez étrange, car si je devais jouer moi-même, je serais en train de me préparer psychologiquement. Là, nous avons déjà tout programmé et il n’y a plus rien à faire. Donc, pour une fois, je donne des interviews ", dit-il en souriant dans un salon de l’hôtel.

Le 27 janvier dernier, l’annonce qu’un programme informatique avait réussi à battre un champion humain de go avait fait la une de la revue scientifique « Nature » et créé une énorme surprise. Ni les informaticiens spécialistes de ce jeu ni les joueurs professionnels ne pensaient que cela arriverait avant une décennie. La nouvelle a donc été considérée comme une révolution pour l’intelligence artificielle, et comme un bon coup de pub pour Google, qui a racheté DeepMind en janvier 2014. Mais le joueur battu par la machine, Fan Hui, n’était qu’un champion européen, bien loin d’avoir le niveau de Lee Se-dol et sa popularité en Asie. Né en Chine il y a 2.500 ans, le jeu de go est pratiqué par 40 millions de personnes dans le monde. Il est aussi réputé pour sa complexité, bien supérieure à celle des échecs. « Le jeu de go est d’une élégance rare : les mouvements sont très simples, mais le jeu est d’une incroyable complexité. Il y a 10 puissance 170 positions possibles, soit davantage que le nombre d’atomes dans l’univers ", explique Demis Hassabis.

Vingt ans après le duel Kasparov-IBM

A voir l’impressionnante nuée de journalistes, cameramen ou photographes coréens, mais aussi japonais et chinois venus couvrir l’événement, on comprend que ce duel peut avoir une portée symbolique aussi forte que les deux affrontements entre Garry Kasparov et l’ordinateur Deep Blue d’IBM, il y a tout juste vingt ans. La défaite de la machine en 1996 et, surtout, sa victoire, l’année suivante, ont marqué à jamais l’histoire des échecs et celle de l’informatique. « Je me souviens très bien du match, raconte Demis Hassabis. A l’époque, j’étudiais l’informatique à Cambridge et je jouais encore beaucoup aux échecs - pas au niveau professionnel, comme dans mon enfance, mais quand même régulièrement. Je me rappelle avoir discuté avec un autre étudiant, David Silver, qui est aujourd’hui chef du projet AlphaGo, de la façon dont il faudrait programmer un logiciel de jeu de go, parce que la technologie utilisée par IBM pour les échecs n’aurait pas fonctionné avec ce jeu-là. Donc, c’est comme une boucle de vingt ans qui se referme aujourd’hui. "

Avant même d’aller étudier l’informatique, Hassabis avait déjà fait ses preuves dans la programmation professionnelle dès l’âge de seize ans, en développant Theme Park avec un célèbre créateur de jeux vidéo, le Britannique Peter Molyneux. Sorti en 1994 et distribué par Electronic Arts, ce jeu de simulation, qui mettait le joueur dans la peau d’un créateur de parc d’attractions, fut vendu à plusieurs millions d’exemplaires. « Il avait déjà une sorte d’intelligence artificielle, qui animait les clients du parc en fonction des choix du joueur et qui s’adaptait à la façon de jouer de chacun, ce qui fait qu’à chaque fois la partie était totalement différente. " A sa sortie de Cambridge, le jeune homme reviendra au développement de jeux vidéo en fondant sa propre entreprise, Elixir Studios, auteur de plusieurs titres pour Vivendi et Microsoft, qu’il fermera en 2005.

Etudes en neurosciences

Cette année-là, l’ancien joueur d’échecs réalise un coup pour le moins surprenant. Il ferme son entreprise, revend sa propriété intellectuelle et redevient étudiant, à l’University College London (UCL), dans un domaine a priori très éloigné de l’informatique : les neurosciences. Car, pour Hassabis, les deux sont liés. « Cela fait plus de vingt ans que je veux travailler dans l’intelligence artificielle. J’ai su que ce serait ma carrière quand j’avais quinze ou seize ans. Si cela a pris autant de temps, c’est parce que je voulais connaître les bonnes technologies, avoir les bonnes idées, rencontrer les bonnes personnes. Si l’on assemble tout ce que j’ai fait, les championnats d’échecs, l’informatique, l’écriture de jeux vidéo, les neurosciences, on peut voir cela comme un entraînement à ce que j’ai toujours voulu faire : diriger DeepMind. "

Après cinq ans d’université, un PhD en poche et des travaux remarqués sur le fonctionnement de la mémoire et de l’imagination, Hassabis est enfin prêt pour le match de sa vie. Il fonde DeepMind en 2010 avec Shane Legg, rencontré à UCL, et Mustafa Suleyman. Financée notamment par le Founders Fund de Peter Thiel (cofondateur de PayPal) et par Elon Musk (patron de Tesla et de SpaceX), la start-up réunit les deux grandes passions d’Hassabis : le jeu et l’intelligence artificielle. Ou plus précisément le « deep learning », sa version la plus en vue actuellement, qui repose sur des algorithmes permettant aux ordinateurs d’apprendre par eux-mêmes. « Nous croyons qu’une machine intelligente doit s’appuyer sur une notion de ce qu’est le monde réel. Mais, en général, quand les gens adoptent cette approche, c’est pour faire de la robotique. Le problème avec les robots, c’est qu’il faut faire beaucoup de mécanique, et, comme nous étions une start-up, nous ne voulions pas perdre de temps et d’argent avec ça. A cause de mon expérience personnelle, nous avons décidé d’utiliser les jeux vidéo comme des environnements pour des robots virtuels. »

Au départ, l’entreprise est relativement discrète. Mais elle ne tarde pas à attirer l’attention des géants de la Silicon Valley, à la recherche d’avancées technologiques pour améliorer leurs services et tirer profit des énormes quantités de données qu’ils traitent en permanence. Courtisé à la fois par Google et par Facebook, DeepMind préfère le moteur de recherche au réseau social, qui embauchera peu après un grand nom du « deep learning », le Français Yann LeCun, professeur à New York University. « Nous aurions pu décider de lever de l’argent et de rester indépendant. Le choix de Google s’est fait parce qu’il y a une proximité entre les travaux de DeepMind et l’idée d’organiser l’information, qui est le principe d’un moteur de recherche. Nous pensions aussi que l’accès à leurs capacités de calcul et de traitement des données nous permettrait de travailler plus vite, et c’est exactement ce qui s’est passé. »

En plus d’un chèque confortable - de l’ordre de 400 millions de livres (environ 500 millions d’euros), même si la somme exacte n’a jamais été confirmée -, les fondateurs de DeepMind demandent à Larry Page et Sergey Brin des garanties en termes d’éthique, notamment à travers la création d’un comité spécial, composé de membres des deux entreprises et de chercheurs indépendants.

Autre particularité dans un monde de la high-tech souvent adepte du secret, DeepMind n’hésite pas à mettre ses algorithmes en open source ou à publier les résultats de ses travaux dans les revues scientifiques. « C’est important, car cela fait progresser la recherche scientifique plus vite, explique le PDG. Et le fait que les revues à comité de lecture nous publient, comme l’a fait "Nature" en janvier, sert à mesurer de la qualité de notre travail. C’est plus fort et plus fiable que de publier un simple communiqué de presse. » Une pratique également mise en avant par Yann LeCun chez Facebook et qui, selon les deux chercheurs, expliquerait les difficultés d’Apple à attirer aujourd’hui les meilleurs chercheurs en intelligence artificielle.

Cette culture d’ouverture lui sert aussi de réponse aux craintes de plusieurs personnalités, dont le chercheur Stephen Hawking et son actionnaire d’origine, Elon Musk, sur les dangers potentiels de l’intelligence artificielle pour la survie de l’humanité. S’il n’a pas signé leur appel commun, Demis Hassabis affirme qu’il est important d’établir un dialogue et de lancer le débat dès maintenant. « J’ai toujours pensé, comme les autres fondateurs de DeepMind, que les scientifiques qui travaillent sur des technologies importantes ont une responsabilité sociale. » Une vision très différente de celle du futurologue et entrepreneur Ray Kurzweil, transhumaniste aussi assumé que controversé prônant la fusion de l’homme et de la machine, dont l’embauche par Google en 2012 avait suscité de nombreuses interrogations. « Google est une très grande organisation et DeepMind n’a rien à voir avec Ray Kurzweil, se défend Demis Hassabis. Je l’apprécie en tant que personne, mais nous ne travaillons absolument pas ensemble. »

S’il ne voit pas l’intelligence des machines égaler ou dépasser celle des hommes « avant plusieurs décennies », l’ancien prodige des échecs semble confiant dans les capacités d’AlphaGo à battre le champion du monde de go. Peut-être pas dès cette semaine à Séoul, mais en tout cas dans un futur proche. « La principale force d’AlphaGo, c’est qu’il ne sera jamais fatigué ou irrité. Quant à ses faiblesses, nous l’avons conçu et testé pour qu’il n’en ait pas, mais les matchs contre Lee Se-dol vont nous permettre de savoir s’il y en a que nous n’avons pas anticipées. "

Les points à retenir

En 2010, le jeune prodige des échecs, Demis Hassabis, fonde DeepMind, une start-up qui réunit ses deux passions : le jeu et l’intelligence artificielle.

Convoitée par les géants de la Silicon Valley, l’entreprise est rachetée, quatre ans plus tard, par Google.

Les matchs cette semaine entre son logiciel AlphaGo et le Sud-Coréen Lee Se-dol, constituent l’un des plus grands défis lancé à l’homme par la machine.

Fin janvier, son programme avait réussi à battre un champion humain. Une révolution dans le monde de l’intelligence artificielle.

Envoyé spécial à Séoul Jun Michael Park pour « Les Echos » Photographe Benoît Georges

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